Manifeste
Je crée sans attendre. Sans chercher la perfection ni suivre un tracé figé. Mes pièces naissent d’un dialogue instinctif avec la matière , un croquis esquissé, une idée flottante, puis le tournage qui prend le relais. Je module, je sculpte, j’explore. Chaque geste ouvre une porte, chaque accident devient une invitation à pousser plus loin.
Je suis attirée par le rugueux, le brut, les textures qui racontent la nature: l’écho du bois, la terre fendue, les contrastes profonds. Mes pièces avancent par ricochet : une forme en appelle une autre, dans une évolution organique et imprévisible. Chaque création est singulière, parfaitement imparfaite, marquée d’effets uniques qui rendent chaque série multiple et vivante.
J’accueille les défauts, je célèbre les failles. Ils sont des points d’ancrage, des tremplins pour l’expérimentation. Mon travail est une exploration sans fin, tentaculaire, mouvante. L’histoire du passé et l’élan du présent s’y entremêlent : des formes sculpturales, non utilitaires, surgissent, pensées pour la contemplation, en résonance avec des références anciennes, réinventées sous mes mains.
Souvent, la pièce se révèle dans le faire, pas dans l’idée. Les erreurs me guident, les accidents deviennent décisions. Mon regard tranche : je cherche le malaise, le manque, le déséquilibre subtil qui appelle à aller plus loin. Je suis fascinée par les grandes formes, les totems, les assemblages qui échappent à la fonction. Chaque étape est une quête : j’expérimente, je défais, je reconstruis. Le processus est fluide, indompté. La cuisson, elle, impose sa loi, transformant parfois tout, me rappelant l’humilité du geste.
Je sais que les pièces sur lesquelles je projette le plus d’attente sont parfois les moins abouties. J’apprends la patience, j’apprends à m’arrêter au bon moment — ou pas. Ce déséquilibre est mon moteur.
La céramique est mon territoire d’exploration. Je laisse les formes émerger, je me perds pour mieux trouver. C’est un voyage, une tension entre maîtrise et lâcher-prise, jusqu’à ce que, soudain, le résultat m’arrête : là, c’est juste.
Et je recommence.
